Comment les feux d’artifice bousculent la vie sauvage ? Impacts et solutions.

Publiée le 26 juin 2024

Nidification, reproduction et sevrage des petits…  l’été, la nature connaît un pic d’activité. La saison estivale évoque aussi les feux de la Saint-Jean, la fête nationale, les festivals et mariages… ; autant d’événements susceptibles d’avoir recours à la pyrotechnie. Si cette pratique populaire et quasi incontournable pour les territoires touristiques, ravit les publics dans l’ensemble, elle occasionne aussi de nombreux traumatismes pour la faune sauvage et les milieux naturels. La prise de conscience des impacts écologiques de cette activité pousse certaines collectivités à s’organiser pour les réduire au maximum, et ce, sans nuire au plaisir des yeux ! On fait le point sur les effets des feux d’artifice sur la nature, rappels réglementaires et solutions alternatives pour conjuguer au mieux émerveillement et préservation de la biodiversité.

Feu d'artifice © Ray Hennessy

Les feux d’artifice, un cocktail explosif pour la nature

Les feux d’artifice, bien que spectaculaires pour les humains, peuvent avoir des impacts négatifs considérables sur la nature.

Dérangement sonore et visuel

Les feux d’artifice sont réalisés grâce à des explosifs déflagrants. La déflagration est une combustion rapide de la substance explosive, qui se traduit par une onde de choc dans l’atmosphère. Les détonations et les effets lumineux des feux d’artifice peuvent ainsi être perçus à plusieurs kilomètres.

Le bruit intense et soudain des explosions peut perturber gravement les animaux comme les oiseaux et les mammifères, a fortiori les espèces nocturnes telles que les chiroptères, rapaces…. Les feux d’artifice étant généralement tirés à distance des zones d’habitation et à proximité de zones naturelles où la faune sauvage n’est pas accoutumée aux bruits intenses, les détonations peuvent causer une panique extrême, donnant lieu à des abandons du site de reproduction par les parents, du stress jusqu’à l’arrêt cardiaque. A moyen terme, ce sont aussi des dommages tels que la perte de temps de sommeil et d’alimentation, la réduction de la forme physique des oiseaux, l’affaiblissement général ou encore l’augmentation de la sensibilité aux maladies ou aux parasites qui peuvent être observés.

 

Déchets et pollution chimique des milieux aquatiques, de l’air et des sols

Bon à savoir, les feux d’artifice libèrent également des gaz et des fumées (aérosols de micro- et nanoparticules) pouvant contenir des résidus de nitrates, de sulfates, de perchlorates et de métaux (plomb, zinc, mercure…) toxiques (présents à l’état de traces, mais sous forme ionique solubles dans l’eau et inhalables) conjointement à de nombreux produits classés toxiques et/ou polluants. Ces métaux non dégradables sont susceptibles d’être inhalés à faibles doses par les publics, les animaux et/ou de retomber dans l’eau et sur les sols, entraînant leur contamination. Par ailleurs, si les déchets peuvent être ramassés au sol après la manifestation, ce n’est pas possible sur des milieux de type vasières ou plans d’eau.

Les feux d’artifice provoquent aussi une augmentation de particules fines dans la zone de tir. Elles peuvent notamment pénétrer profondément dans les voies respiratoires des humains et des animaux, exacerbant les problèmes respiratoires existants et pouvant avoir des effets néfastes sur la santé à long terme. Certaines composantes chimiques libérées lors de la combustion des feux d’artifice, comme les métaux lourds, peuvent contribuer à la formation de smog (i.e : brume épaisse et toxique, dangereuse pour la santé, due à la pollution de l’air) et affecter la qualité de l’air sur une plus grande échelle. Les grands feux d’artifice génèrent des pics de pollution, qui perdurent parfois plusieurs jours.

À ces impacts dus au tir en lui-même, il faut ajouter les effets nuisibles potentiels sur les insectes lorsque l’on procède à une fauche de prairies pour des raisons de sécurité au moment de l’installation de la manifestation, en fonction de la période choisie.

Quelles sont les incidences sur les habitats d’intérêt communautaire (Natura 2000) ?

L’incidence négative sur les habitats d’intérêt communautaire protégés par Natura 2000 (dunes, landes, pelouses littorales, herbiers de zostères, maërl, hermelle…) est notamment attendue dans les cas ci-après :

  • circulation d’engin sur les habitats d’intérêt communautaire sensibles au piétinement pour l’installation du pas de tir
  • ancrage de barges et/ou de navires de sécurité au niveau sur les habitats d’intérêt communautaire sensibles à l’abrasion
  • stationnement du public sur les habitats d’intérêt communautaire, sensible au piétinement

Quelques rappels réglementaires :

« L’article L411-1 du code de l’environnement interdit la destruction ou la perturbation intentionnelle d’espèces protégées » comme le cite la LPO dans une fiche pratique disponible également sur l’interface MaQuestion #biodiversitéBZH.

Pour connaître le régime administratif (autorisation ou déclaration) d’un feu d’artifice, vous pouvez :

  • consulter les informations mise en ligne par la Préfecture de Bretagne :
  • contacter le service interministériel de défense et de protection civile de la préfecture des Côtes d’Armor, du Finistère, d’Ille-et-Vilaine ou du Morbihan
  • En cas d’occupation du domaine public maritime terrestre ou en mer, une demande d’autorisation d’occupation temporaire du Domaine Public Maritime devra être déposée au service Mer et Littoral de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer (DDTM) concernée. Cette autorisation donne lieu à une redevance d’occupation.
  • A noter qu’un arrêté n°2023-064 du préfet maritime réglemente les activités maritimes à l’occasion des spectacles pyrotechniques organisés sur le littoral Atlantique (abroge l’arrêté n°2005-031 du 1er juillet 2005).

Communes et organisateurs d’événements, des solutions existent pour limiter l’impact des feux d’artifice sur la biodiversité !

Estimer les besoins du recours aux feux d’artifice lors des manifestations et limiter leur usage

Si l’on peut concevoir l’attachement populaire aux feux du 14 juillet, est-il nécessaire de conserver de la pyrotechnie sur chaque rendez-vous hebdomadaire dans le cadre d’une programmation estivale ou d’y avoir recours pour célébrer les fêtes de Noël ?

Lors de la fête nationale, des communes voisines peuvent aussi décider de mutualiser le feu d’artifice en alternant le lieu chaque année. C’est le cas notamment des communes d’Étel et Plouhinec en ria d’Étel et de Port-Louis et Gâvres dans la Rade de Lorient dans le Morbihan.

Les organisateurs peuvent aussi prendre en compte la sensibilité des oiseaux en amont du projet de feu d’artifice que ce soit dans le choix du lieu de tir, du type de feux d’artifice et dans le scénario de spectacles adaptés aux enjeux.

 

Bien choisir les feux d’artifice :

  • Rédiger un cahier des charges en amont de la manifestation : choix de spectacle adapté aux enjeux et avec des exigences fortes pour éviter les substances et déchets polluants (type de feu et modalités de nettoyage)
  • Réduire la durée du feu
  • Préférer les feux d’artifice tirés à proximité des publics (25 à 50 m) permettant de choisir des effets moins lumineux, à plus faible altitude et moins sonores tout en préservant la magie du spectacle
  • Choisir des feux avec les niveaux sonores les plus bas, en privilégiant certains effets comme les comètes, les pots à feu, les fontaines, les gerbes, les volcans ou encore les horse’s tail qui libèrent des grappes d’étoiles dans le ciel et retombent tout doucement. Certains feux ont été conçus afin d’éviter les nuisances sonores, en étouffant l’explosion au moment de la détonation
  • Éviter les substances pouvant polluer les eaux et les sols (plomb et le perchlorate)

 

Bien choisir le lieu du spectacle :

On privilégiera un lieu plus proche d’une zone urbaine plutôt qu’un milieu naturel.

Les incidences sur les habitats d’intérêt communautaire sensibles au piétinement ou à l’abrasion peuvent facilement être évitées en amont de l’évènement grâce à la mise en défens (exclos, permanent ou temporaire, sélectif ou total, fixe ou mobile) des milieux, le positionnement du pas de tir, des zones de stationnement et des spectateur·ices hors zones sensibles…etc.

 

Bien choisir le moment :

Éviter les spectacles de mars à août (période de reproduction) dans et à proximité des zones sensibles (espaces naturels protégés, sites de nidification). Les chargé·es de mission Natura 2000, les gestionnaires d’espaces naturels et les associations naturalistes (LPO Bretagne, Bretagne Vivante notamment) pourront vous renseigner sur ces zones de sensibilité.

 

Bien concevoir le scénario du spectacle :

Miser sur une augmentation progressive du feu (fréquence, hauteur de feu, intensités sonore et visuelle).

 

Et pourquoi pas aussi réviser ses classiques ?

En imaginant des spectacles plus écoresponsables tels que les projections lumineuses pouvant par ailleurs intégrer la thématique des oiseaux, en ayant recours à des lasers ou même des drones, néanmoins plus coûteux.

 

Évaluer l’incidence avant et après le feu d’artifice

…grâce à des inventaires avant et après le feu, combinés avec des observations lors du feu d’artifice.

 

Une dynamique régionale autour de la connaissance des manifestations culturelles et de leurs impacts potentiels (intégrant les feux d’artifice)

En Bretagne, une dynamique s’est engagée depuis 2022 autour de la connaissance des manifestations culturelles dans les espaces naturels avec un focus récent sur la pyrotechnie dans le département du Morbihan : dans le cadre de l’animation des sites Natura 2000, la DDTM 56, les animateur·ices Natura 2000 et les communes échangent sur les incidences des feux d’artifices sur les sites Natura 2000 en vue d’intégrer, dans les cahiers des charges de consultation des entreprises de spectacle, des exigences permettant de réduire la pollution et le dérangement de la faune.

En parallèle, le groupe de travail « Sport, culture et tourisme dans les espaces naturels de Bretagne » piloté par l’Agence Bretonne de la Biodiversité, porte une étude exploratoire visant à établir un portrait des manifestations sportives et culturelles dans les espaces protégés bretons.
La première phase de l’étude s’est déroulée entre septembre 2023 et mars 2024 sous forme d’un atelier professionnel du master 2 Expertise et Gestion de l’Environnement Littoral (EGEL) de l’Université de Bretagne Occidentale avec pour objectif de collecter, bancariser, qualifier et réaliser de premiers tests de mobilisation des données liées aux manifestations sportives et culturelles à l’échelle de la Bretagne.
La seconde phase, sous forme d’un stage de Master 1 EGEL, s’achèvera en août 2024  et se concentre sur l’analyse des données existantes à l’échelle de 4 communes pilotes : Plounéour-Ménez (29), Séné (56), Sarzeau (56) et Arzon (56), localisées dans les deux Parcs naturels régionaux de Bretagne (Parc naturel régional d’Armorique et Parc naturel régional du Golfe du Morbihan). Cette phase 2 de l’étude porte à la fois une visée rétrospective en cherchant notamment à aboutir à des livrables à des échelons territoriaux plus fins, permettant de visualiser les effets cumulés des manifestations sur certains sites à enjeux et reconnus pour la richesse et/ou la fragilité de leurs milieux-espèces. Mais aussi un volet prospectif en se penchant sur les possibilités d’extraction et de manipulation des données contenues dans la plateforme SIMS (declaration-manifestations.gouv.fr) à l’échelle des communes retenues.

In fine, le groupe de travail régional cherche à mieux comprendre les enjeux méthodologiques portant sur la compilation des données liées aux manifestations sportives et culturelles à différentes échelles, à définir des typologies et référentiels se rapportant aux manifestations sportives et culturelles et à leurs impacts directs et indirects et enfin, à faire des recommandations aux producteurs de données et services instructeurs pour collecter les données en flux régulier, organisé et anticipé, en intégrant toutes les parties prenantes à l’échelle d’un territoire.

Un guide pour organiser sereinement un événement « zéro impact » dans un espace naturel protégé
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Gestionnaires et pros du tourisme, de la culture et du sport, comment bien organiser un événement « zéro impact » dans les espaces naturels protégés ?
👉  Infos, recommandations, conseils et contacts dans ce guide porté par le RGENB.

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Comment concevoir un événement responsable et solidaire aux Assises régionales de la Vie Associative
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Le 2 juillet, l’Agence Bretonne de la Biodiversité co-animera avec le Collectif des festivals et le CROS Bretagne un atelier « Comment concevoir un événement responsable et solidaire » en lien avec les travaux du Groupe de travail « Sport, culture et tourisme dans les espaces naturels de Bretagne » pour intégrer les enjeux de biodiversité dans les politiques structurelles du sport, de la culture et du tourisme.

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