[Guide] Pros du tourisme, de la culture et du sport, comment bien organiser un événement « zéro impact » dans les espaces naturels protégés ?
Remarquable la Bretagne l’est à la fois en sa qualité de terre promise « proche de la nature » et d’effervescence culturelle et sportive. Attractive, la région est riche de 897 000 ha de surface marine et terrestre préservés pour leur patrimoine naturel et absorbe 12 millions de touristes annuel·le·s. séduit·e·s par cette diversité de paysages et par les rendez-vous proposés. Deux dynamiques qui pourraient s’opposer si les différents acteurs du territoire (organisateurs d’événements, propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels protégés) n’y prenaient pas garde. Comment promouvoir cette destination authentique sans la détériorer, sans impacter son patrimoine faunistique et floristique ? Comment allier préservation de la nature et plaisir de la parcourir ?
L’envie de progresser sur ces enjeux était une évidence pour les gestionnaires d’espaces naturels bretons. La marge importante. Première étape : construire collectivement un outil méthodologique pour transmettre des infos, des conseils et des contacts clés aux organisateurs d’événements en plein air. L’Agence Bretonne de la Biodiversité leur met désormais à disposition un guide spécifique pour les informer des étapes et leviers nécessaires pour atteindre le zéro impact sur ces milieux naturels lors d’une manifestation publique. Structuré et documenté, « Organiser un événement sportif, culturel ou touristique dans les espaces naturels protégés en Bretagne : le guide v1 » est le fruit d’un travail collectif (1) mené par le Réseau des gestionnaires d’espaces naturels bretons (RGENB) et enrichi d’une dynamique de partenaires régionaux. Objectif pour les utilisateur·ice·s de cet outil pratique ? Savoir comment organiser une manifestation dans des conditions optimales et respectueuses du patrimoine naturel.
Un guide en 3 parties :
- les grands principes généraux partagés par les gestionnaires, propriétaires et autorités de gestion de sites
- 7 étapes indispensables pour organiser une manifestation respectueuse de la nature dans de bonnes conditions
- 13 fiches techniques classées par catégorie de protection (Parc naturel marin, sites Natura 2000, réserves naturelles, etc)
Une méthodo en 7 étapes et 13 fiches
« Ce guide répond à une demande réelle des acteurs du secteur événementiel, il leur permet de se poser les bonnes questions sur les lieux et les périodes propices à leur organisation. Il contribue aussi à donner des garanties à leurs usagers », commente Audrey Legardeur, directrice du Comité régional du tourisme de Bretagne (CRT). « C’est un outil concret, il donne accès à des infos complètes. Les réponses réglementaires sont très pratiques. » Il rejoint aussi l’ambition revendiquée d’un tourisme durable et responsable. « Notre région est pionnière sur ces sujets. » Mais il reste encore beaucoup à faire.
Selon cette étude de la DREAL Bretagne, les trois quarts n’avaient pas fait l’objet d’une évaluation de leur impact sur ces espaces protégés (fréquentation, dérangement des espèces…). « Les gestionnaires sont régulièrement contactés « à la dernière minute » par les organisateurs, alors que la préparation de l’événement est presque finalisée. Tandis qu’une prise de contact anticipée permettrait de savoir comment procéder pour respecter les réglementations et identifier les points de vigilance en lien avec la sensibilité des sites choisis, etc. » souligne Maud Bernard.
« Depuis 15 ans, nous les aidons à chercher des compromis, à adapter leur manifestation aux enjeux des sites. Ils disposent à présent d’un véritable vade-mecum pour acquérir les bons réflexes dans la durée », précise l’un des contributeurs Jérémie Bourdoulous, directeur du patrimoine naturel au Parc naturel régional d’Armorique
Les 13 fiches balayent en effet la réglementation en cours dans les espaces naturels par type de protection. Elles clarifient la lecture de ce qui pouvait sembler être un millefeuille incompréhensible. Parmi les différentes préconisations, celle de nommer un·e référent·e biodiversité dans l’équipe organisatrice est déterminante pour favoriser la relation avec les gestionnaires d’espaces naturels protégés. Son rôle ? Mobiliser une équipe avertie en interne et sensibiliser aussi les publics. Pour chaque type d’événement, il faut savoir identifier les impacts potentiels et les mesures d’évitement dans l’objectif de restituer un site intact.
« La Bretagne intérieure est riche de rivières, de landes et de tourbières, des milieux très sensibles où vivent discrètement des espèces. Il ne reste plus qu’une vingtaine de couples de Courlis cendrés sur des landes rases des Monts d’Arrée, il faut y éviter la présence humaine en période de nidification au risque de la faire échouer», assure Jérémie Bourdoulous.
S’approprier les enjeux de protection
« La mise en œuvre de Natura 2000 nous a beaucoup aidé avec son obligation d’évaluation d’incidence », souligne-t-il. Dans les Monts d’Arrée, 22 évaluations des incidences sont menées par an en moyenne dont neuf sur les manifestations sportives. « On aide à trouver le compromis, l’État autorise ou pas la manifestation ». Exemple avec le trail du Roch’ des Monts d’Arrée (22 éditions) qui attire chaque année 6000 participant·e·s. « On valide avec eux les projets d’itinéraires, on fait un état des lieux avant et après. Ils s’approprient ainsi les enjeux ».
Durant l’été 2021, le Tour de France a traversé en 4 étapes, 16 espaces naturels protégés majeurs en Bretagne. Une compétition qui mobilise sur place par plusieurs milliers de supporters, 184 coureurs et 150 véhicules sur la très populaire caravane du Tour. « En accord avec les organisateurs de l’événement, nous avons souhaité mettre en valeur les principaux espaces naturels protégés traversés par le Tour pour aider les territoires concernés et les professionnels mobilisés à bien identifier ces lieux de nature et engager des actions de sensibilisation auprès du grand public » précise Maud Bernard, chargée d’animation du RGENB au sein de l’Agence. « Nous avons fait dévier tous les hélicoptères lors du passage dans les Monts d’Arrée », ajoute satisfait Jerémie Bourdoulous.
Les progrès reposent sur des principes de bon sens : anticiper, informer, s’informer, responsabiliser, se questionner pour bien tenir compte de la capacité des milieux naturels à supporter la pression. Il s’agit de tout mettre en œuvre pour éviter tout impact.
« Cette version est une première pierre à l’édifice », précise Maud Bernard. La démarche est prometteuse, la méthode sera évolutive. Les données de l’ouvrage seront donc réactualisées chaque année, à commencer par les contacts des personnes ressources et référentes pour intensifier les liens d’information. « C’est la clé, il faut renforcer les passerelles », affirme-t-elle.
L’Agence veut jouer pleinement son rôle d’interface entre les expert·e·s du terrain qui veillent à la préservation de la biodiversité et tous les autres acteurs professionnels qui interagissent avec la nature.
D’ailleurs, elle participe au premier colloque en ligne organisé les 18 et 19 novembre par le Collectif des festivals et le Cros Bretagne : La transition écologique des événements sportifs et culturels. Quelles actions innovantes pour préserver les sites lors d’événements ? Ce guide tombe à point nommé !
Un vademe-cum inédit
- Aider les pros de l’événementiel à identifier les différents types de protection des espaces naturels bretons et à connaître les procédures réglementaires qui s’y appliquent
- Fournir les principes généraux, conseils et recommandations valables sur tous les espaces naturels protégés, permettant une organisation à la fois sereine et respectueuse du patrimoine naturel breton
- Faciliter la mise en contact des organisateurs avec les gestionnaires, propriétaires et autorités de gestion des sites.
(1) DREAL Bretagne, Région Bretagne, Office français de la biodiversité, Conseil départemental des Côtes d’Armor, Conseil Départemental du Finistère, Conseil Départemental d’Ille-et-Vilaine, Conseil Départemental du Morbihan, Conservatoire du Littoral, Association AMIKIRO, Association CŒUR Emeraude, Association Les Landes, Association VivAmor Nature Bretagne Vivante, Cedre, Centre Régional de la Propriété Forestière Bretagne, Communauté de communes Cap Sizun – Pointe du Raz, Communauté de Communes du Pays Bigouden Sud, Communauté de communes Presqu’île de Crozon-Aulne maritime, Parc naturel marin d’Iroise, Parc naturel régional d’Armorique, Parc naturel régional du Golfe du Morbihan, Réserve Naturelle Baie de Saint-Brieuc, Réserve Naturelle Nationale du Venec, Réserve naturelle régionale des landes et marais de Glomel, Réserve naturelle régionale des landes du Cragou et du Vergam, Syndicat Mixte du Grand Bassin de l’Oust, Syndicat Mixte de la Ria d’Etel
Collectivités, établissements publics, associations… Le Réseau des gestionnaires d’espaces naturels bretons (RGENB) rassemble l’ensemble des professionnel·le·s des organismes publics et privés œuvrant pour la préservation et la gestion des milieux naturels bretons.
703 kilomètres, 4 départements… mais aussi 29 intercommunalités et 16 espaces naturels protégés majeurs : les étapes bretonnes du Tour de France ont attiré l’attention de tous. Pour la communauté de la biodiversité bretonne (#biodiversitéBZH pour les intimes !), il était logique d’aider les territoires traversés – ainsi que tous les professionnels mobilisés – à identifier les lieux de nature concernés par cette grande fête.