La protection de la faune sauvage ou quand les piafs nous volent dans les plumes
#BiodiversitéBZH, le portrait : Didier Masci
Son engagement est né avec le naufrage du pétrolier Erika. Didier Masci est alors face à la mer et face à lui-même. Puisque beaucoup ferment les yeux, l’écologiste décide de les ouvrir. Le quinquagénaire fait même plus : il crée un centre de protection de la faune sauvage pour ce qu’il nomme avec amour, ces « drôles de piafs ».
En quelques années, l’association Volée de Piafs fait son nom auprès des Breton·ne·s.
Mais devant l’afflux des animaux en détresse, quid des moyens pour tenir et des considérations envers le travail nuit et jour des soignants ?
En 2020, ce n’est plus simplement un appel à l’aide, mais bien un appel à l’engagement des élu·e·s et des entreprises qui souhaiteraient soutenir le vivant.
Aujourd’hui, on part faire un relâcher de goélands sur la plage d’Erdeven. C’est une opération qui arrive fréquemment ?
Didier Masci : C’est une opération qui arrive à chaque fois qu’un groupe d’oiseaux est remis sur pattes et en capacité de voler. Aujourd’hui, ils sont 49 à repartir vers l’océan. Avec les années, nous avons mis en place un protocole et des gestes bien précis pour les attraper en toute sécurité. Il serait dommage de les blesser alors que le centre est justement fait pour les requinquer. Ces goélands nous arrivent en général parce qu’ils sont tombés du nid petits. Notre rôle est de leur réapprendre à voler. N’est-ce pas le plus beau des métiers ? Les lâchers ont lieu fréquemment sur la plage d’Erdeven car il y a là-bas une nurserie qui leur permet de retrouver sans problème leur milieu et leurs congénères. De plus, nous connaissons bien la mairie qui facilite la logistique pour ces opérations. Le public doit bien comprendre qu’on ne relâche pas des animaux sauvages sans précaution. Nos équipes travaillent sur les soins mais nous devons aussi prendre en charge les questions de coordination technique. La première d’entre elles est : comment parvenir jusqu’à la plage avec notre véhicule ? Pour cela, la Préfecture nous suit et nous sommes accompagnés de la police municipale pour encadrer les différentes étapes. Ce sont des opérations qui peuvent prendre du temps. Mais c’est toujours une joie de les voir repartir !
Le centre existe depuis 13 ans maintenant et vos missions ont pas mal évolué même si votre raison d’être reste la même : soigner. Pouvez-vous nous faire une petite présentation de l’association pour celles et ceux qui ne vous connaissent pas ?
Oui, évidemment. Nous sommes une petite association qui tente de faire, à son échelle, de grandes choses : protéger le vivant. Nous sommes basés à Languidic dans le Morbihan, non loin de Saint-Léon. Ce qu’il faut savoir c’est qu’en plus de Volée de piafs, il existe aujourd’hui deux autres centres de soins en Bretagne : le centre de soins LPO Ile-Grande, à Pleumeur-Bodou et Océanopolis à Brest. Si le premier accueille des oiseaux et des hérissons, le second est spécialisé sur les soins des mammifères marins. Nous sommes le seul de la région à pouvoir recevoir à la fois des oiseaux continentaux et marins mais aussi des mammifères et des chiroptères. Ici, nous soignons aussi bien les chevreuils que les lièvres ou les chauve-souris ! Nous prêtons attention aussi bien à la majestueuse buse variable qu’à la petite mésange bleue. Nous les recevons à chaque fois qu’ils sont en détresse, c’est-à-dire blessés ou épuisés. Nous accueillons également beaucoup de juvéniles abandonnés du Morbihan mais aussi d’autres départements.
📹 #BIODIVERSITÉBZH, LE PORTRAIT : DIDIER MASCI
En septembre, nous allons à la rencontre de Didier Masci, fondateur de Volée de Piafs, un centre de soins de la faune sauvage. Ce reportage nous emmène du centre de soins basé à Languidic (56) à la plage d’Erdeven pour un relâcher (instant magique) d’une cinquantaine de goélands, dans le cadre d’une Breizh:Expedition proposée par In:Expeditions, plateforme de visio-expéditions au service de l’engagement.
À suivre… 1 autre épisode consacré aux acteurs de la communauté #biodiversitéBZH.
Vous disiez tout à l’heure que le relâcher était l’un des moments les plus forts, mais aussi l’un des plus durs. Pouvez-vous nous expliquer le rapport entretenu entre le·la soigneur·se et l’animal ?
Contrairement à une ferme ou un zoo : nous ne sommes pas un centre récréatif. Nos équipes ne sont composées que de professionnel·le·s soignant·e·s ou de bénévoles engagé·e·s qui n’ont à cœur que le bien-être de l’animal « sauvage ». Et j’insiste sur le mot sauvage car ils doivent le rester. Nous ne sommes pas là pour les habituer à la présence humaine. Dans certains cas, il y a d’ailleurs une phase de « déshabituation » intégrée au processus de soin. Notre travail est avant tout d’aider l’animal à reprendre des forces, puis à le remettre au cœur de son milieu naturel. Toutefois, la question qui se pose désormais est celle de la qualité du biotope dans lequel on les remet. Nos comportements humains épuisent les écosystèmes vivants, c’est la raison pour laquelle la faune sauvage n’a jamais été aussi menacée. Les modifications de comportement de certains animaux proviennent directement de la raréfaction des ressources. Nous parlions des goélands tout à l’heure : l’une des raisons pour laquelle ils migrent vers les ports de pêche est le manque de poissons en mer. Tant que nous n’intègrerons pas que la pêche intensive est une aberration environnementale et un risque considérable pour la biodiversité, nous continuerons à aller dans le mur.
Ce sont aujourd’hui plus de 25000 animaux qui ont été accueillis depuis l’ouverture du centre en 2007 dont une bonne partie ont pu être relâchés. Avez-vous observé des évolutions depuis votre création ?
Julien Desré, chargé de développement : Oui, énormément ! La première chose est que nous sommes désormais identifié·e·s dans le paysage des associations de sauvegarde aussi bien par les acteurs publics que par le grand public. C’est une aide considérable car cela signifie que nous pouvons désormais compter sur l’aide des bénévoles. Cela signifie aussi que de plus en plus de personnes se sentent concernées et viennent à nous lorsqu’elles trouvent un animal sauvage en détresse. Par contre, l’équation n’est pas résolue car nous ne sommes pas forcément plus soutenus alors que la demande augmente. Il faudrait réellement que les financements soient à la hauteur de nos frais de fonctionnement.
Pour nous rendre compte du quotidien des soigneur·se·s, pouvez-vous nous donner un des obstacles que vous rencontrez régulièrement ?
C’est assez simple. Nous n’avons en Bretagne que 2 centres pour les oiseaux continentaux et pour la faune terrestre. Seulement 2 puisqu’Océanopolis est spécialisé sur la faune marine. Cela signifie que nous nous partageons la totalité des problématiques de la faune sauvage de la région bretonne. La première problématique réside dans le rapport à la distance. Si vous trouvez un animal dans le Finistère, vous devez faire la route jusqu’à nous pour le faire soigner. C’est une mission quasi impossible, à part si vous n’êtes pas contraints par des impératifs personnels et professionnels. Et comme nous n’avons pas de voitures de fonction ou de budget pour les déplacements, nous ne pouvons pas acheminer les animaux jusqu’au centre, comme on le voudrait. Nous sommes également contraints sur les capacités d’accueil : notre centre n’est pas extensible. Nous sommes sur 1000m2 d’enclos de réhabilitation.
Comment avez-vous pallié ces problématiques de place et de distance ?
Pour la distance, nous avons mis en place un système de cartographie de bénévoles dans toute la Bretagne. C’est un maillage que nous avons réalisé avec les années avec des adhérents de confiance. Nous avons à ce jour identifié une trentaine de bénévoles itinérant·e·s qui ont accepté de prêter main forte si nous venions à recevoir une alerte, non loin de chez elles·eux. Nous sommes quasi certains qu’ils et elles pourront les acheminer jusqu’à nous. Par contre, pour les capacités d’accueil, lorsque nous sommes pleins, nous sommes plein. Et imaginez bien que ce n’est pas de gaité de cœur de refuser des entrées. Ce que le public doit prendre en compte, c’est que pour soigner les animaux, nous sommes obligés de les recueillir dans de bonnes conditions. La surpopulation en centre ne ferait que tarir notre attention et leur rétablissement. Nous avons assisté, durant le confinement, à quelques comportements étonnants où des personnes voulaient nous culpabiliser de ne pas pouvoir réceptionner les animaux. Il faut savoir que les soigneur·se·s se relayent 7 jours sur 7, de jour comme de nuit ! Lorsque vous avez des oisillons à nourrir, c’est du goutte-à-goutte à 3 heures du matin que vous devez leur administrer. Si l’on dit « non », c’est vraiment que nous ne pouvons pas, et c’est évidemment toujours à regret.
Afin de mieux comprendre la réalité d’un centre de soin, pouvez-vous nous dire d’où émanent vos coûts de fonctionnement quotidien ?
Il faut noter que chaque année, notre centre de soins recueille environ 3500 animaux en détresse et que le coût moyen de prise en charge d’un animal est de 105 euros pour chaque entrée. Pour les soigner, nous avons besoin de grandes quantités de nourriture. Il faut prendre en plus de la matière première, le coût de la livraison de ces aliments. Dans un deuxième temps, la réintégration dans le milieu naturel adéquat nous demande de parcourir, quelquefois, de plus ou moins longues distances. Il y a aussi le coût de l’entretien des infrastructures et l’aménagement des espaces (bois, quincaillerie, matériel médical, meubles…). Et puis, évidemment il y a les salaires des professionnel·le·s à prendre en compte. On arrive donc rapidement à 400 000 euros de fonctionnement étalés sur l’année.
Aujourd’hui, d’où proviennent vos financements ?
A 50% des bénévoles et des adhérent·e·s. Sans elles·eux, nous n’existerions pas. Quand je parle de bénévolat, ce sont à la fois les aides en nature, comme des gens du coin qui viennent nous apporter de la matière première pour nourrir ou chauffer les animaux, comme des personnes qui viennent prêter main forte pour aider au fonctionnement opérationnel du centre. Ensuite, nous sommes aidés par les entreprises privées à 25%, 30%. Nous travaillons avec des entreprises qui ont à cœur de défendre la biodiversité. Il ne s’agit pas simplement de se verdir, de polluer d’un côté et de protéger les animaux de l’autre. La responsabilité sociale des entreprises (RSE), nous y travaillons main dans la main avec celles qui veulent approfondir leurs actions. Enfin, ce sont avec les subventions publiques mais la protection de la faune sauvage n’est pas la priorité de tou·te·s les élu·e·s.
Quelles sont vos priorités et comment concrètement est-il possible de vous aider ?
Nous venons de réaliser une belle campagne de crowdfunding pour l’achat d’un camion sur HelloAsso pendant le confinement. Nous avons obtenu 10 560 euros grâce à 200 donateur·ice·s qui se sont mobilisé·e·s et ont partagé notre annonce sur les réseaux sociaux. On profite de vous en parler aujourd’hui pour encore une fois les remercier ! Ensuite, un projet auquel Didier tient beaucoup est le centre de démazoutage sur lequel nous demandons du soutien. Car même si les marées noires spectaculaires (Amoco Cadiz, Erika) sont moins fréquentes que par le passé, les côtes bretonnes ne sont pas à l’abri de la pollution. Bien au contraire ! Les plages sont régulièrement souillées par les hydrocarbures provenant de dégazages sauvages. Nous souhaiterions créer un centre d’une superficie de 145 m2 qui prévoirait 4 salles de 20 m² chacune, un local « chaufferie » de 10 m² et une salle de lavage de 20 m². Toutes ces pièces seront desservies par un couloir de 1,60 m de large afin de faciliter la manipulation et le transport des boxes individuels de contention vers la station de nettoyage, ainsi que l’acheminement des grandes caisses de transport d’animaux, notamment pour les phoques. Pour ce qui est de l’aide, nous sommes constamment à la recherche de nouveaux adhérent·e·s, de bénévoles mobilisé·e·s et tous les six mois, nous accueillons des services civiques. Nous devons prendre la pleine mesure de la nécessaire préservation de notre biodiversité et pour cela, nous avons besoin des entreprises et des élu·e·s. Il faut nous sécuriser pour pouvoir salarier d’autres personnes en CDI et ainsi nous donner les moyens de continuer notre engagement essentiel sur le terrain.
Julien Desré, chargé de développement de Volée de Piafs © In:Expeditions
Vous devez apporter votre aide à un animal en détresse ? Volée de Piafs vous donne les conseils pour en prendre soin.