La Vilaine vue de l’eau : une expérience terre–mer pour élu·es et acteurs du territoire
Cap sur l’estuaire et les marais de la Vilaine, là où se rencontrent fleuve, océan et terres. Ces milieux d’une grande richesse écologique sont au cœur d’une démarche de labellisation Ramsar. Pour sensibiliser les élu·es et acteurs locaux, l’EPTB Eaux & Vilaine, gestionnaire des sites Natura 2000 de l’Estuaire-Baie de Vilaine et des Marais de Vilaine a choisi un format original : des sorties en canoë-kayak, au fil de l’eau pour les fédérer autour d’un projet de territoire terre-mer.
Anne Le Normand, responsable de l’unité Biodiversité à Eaux & Vilaine, revient sur cette expérience.

Pourquoi avoir imaginé ce format original de sensibilisation en kayak ?
« Impulsé par l’événement national « Journées Relais de l’Eau » porté par l’ANEB (Association Nationale des Elus de Bassins Versants), l’EPTB Eaux & Vilaine a organisé en 2024, 2 déambulations en canoë sur l’estuaire de Vilaine et 2 autres sur la Vilaine, dans les marais intérieurs.
Considérant que l’on protège mieux, ce qui se révèle précieux individuellement, l’objectif de ces sorties de terrain était de « toucher » les élu·es, de susciter chez elles et eux des émotions positives dans l’espoir de faciliter la protection de certains milieux… »
Concrètement, comment se déroulent ces sorties et qui y participe ?
« Nous avons ciblé les élu·es et des citoyen·nes de profils variés du réseau d’acteurs et actrices engagées dans les politiques locales « Natura 2000 » (agriculteur·ices, mytiliculteur·ices, pêcheur·ses, propriétaires, expert géologue, associations naturalistes, Club de Canoe-Kayak de Redon).
Guidées par un agent de Eaux & Vilaine, ces excursions d’une quinzaine de personnes sur l’eau visaient à faciliter la prise de parole par les un·es et les autres, suivant leurs savoirs afin de bien partager des informations. Ces connaissances concernaient tant les usages actuels de l’eau (anthropique et de la vie sauvage), le patrimoine naturel en général, culturel, géologique et parfois historique des communes.
L’approche « terre-mer » de l’animation, s’est faite naturellement par l’usage d’embarcations légères sur l’eau, depuis des points de départ en amont (eau douce), vers l’aval (eau salée) et en évoquant l’histoire des marais estuariens devenus des marais associés à l’eau douce. »
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Localisation des sites Natura 2000 animés par Eaux & Vilaine
Qu’est-ce que ce format a apporté aux participant·es et à Eaux & Vilaine ?
« Le format novateur et convivial a permis de révéler aux participant·es la qualité et la fragilité des milieux observés et des espèces sauvages associées. La découverte du cadre environnemental au fil de l’eau, permet en effet, d’appréhender la sensibilité d’espaces « ordinaires » de prime abord, mais qui se dévoilent « extraordinaires ».
Eaux & Vilaine a pu vérifier des points d’intérêts patrimoniaux et s’accorder avec les participant·es sur des périodes et des attitudes de « moindre dérangement de la faune sauvage » ou de « moindre impact pour les milieux concernant les points de débarquement-embarquement » ainsi que des itinéraires de découverte. Autant d’éléments susceptibles d’argumenter une demande de labellisation de « sentiers nautiques » et celui de RAMSAR ainsi que d’enrichir un projet de carte de découverte du territoire Terre-Mer de la Vilaine aval.
Autres bénéfices de l’opération : l’instauration d’une complicité interacteur·ices (entre les agent·es de Eaux & Vilaine et les participant·es, et entre participant·es), l’interconnaissance et l’évolution des regards sur des usages anthropiques.
Par ailleurs, nous avons pu produire des clichés de belle qualité et de la matière pour de potentiels supports de communication (posters, dossier candidature Ramsar, vidéo de communication).
Enfin, ces excursions étant organisées avec la coopération du Club de Canoe-Kayak de Redon, ces déambulations ont été également l’occasion d’acculturer des membres de cette association susceptibles de relayer à leur tour, des messages auprès des adhérent·es, pour mieux prendre en considération la biodiversité dans leur pratique. »
Comment espérez-vous que les élu·es fassent vivre cette expérience dans leurs pratiques et décisions ?
« Un espoir que les élu·es locaux assurent par la suite le relai de discours et messages sur la protection et reconstitution de milieux aquatiques et humides, et d’autres espaces semi-naturels, au gré de leurs implications dans d’autres politiques ou événements locaux. Une protection qui peut se traduire dans leur prise en compte dans les documents de planification urbaine mais aussi (plan climat air énergie territorial (PCAET), plan alimentaire territorial (PAT)… »
Si d’autres structures veulent s’inspirer de votre initiative, quels conseils leur donneriez-vous ?
« Anticiper ! Que ce soit sur le ciblage des invité·es, la date et l’implication des partenaires pour diminuer les coûts de l’opération notamment. Tout d’abord, il faut disposer d’une bonne connaissance des invité·es, pour identifier les apports qu’ils et elles peuvent offrir, tant pour les qualités humaines que leurs savoirs et activités personnelles ou professionnelles.
Le coût de location de canoës et de kayaks peut être onéreux, mais ce n’a pas été le cas avec le Club de Canoe-Kayak de Redon, partenaire de Eaux & Vilaine dans les politiques Natura 2000.
La pratique de kayak sur la partie estuarienne nécessite d’organiser l’animation en tenant compte de la marée pour éviter les contre-courants.
Enfin, le risque météorologique est réel lorsqu’il s’agit de bloquer une date longtemps à l’avance pour un événement sur le terrain. »
Faire vivre une expérience sensible au plus près des milieux est un puissant levier de sensibilisation et de mobilisation. En découvrant ensemble la Vilaine depuis l’eau, élu·es, citoyen·nes et acteurs locaux ont changé leur regard sur ce territoire. Que ces moments partagés deviennent le socle de décisions politiques plus attentives au vivant et inspirent d’autres structures bretonnes à inventer leurs propres manières d’embarquer les acteurs du territoire dans la transition écologique !
Merci à Anne Le Normand pour ce témoignage partagé initialement lors du Forum des gestionnaires d’espaces naturels bretons 2025.
Comment mieux prendre en compte la biodiversité dans les politiques publiques portées par votre collectivité ?
Pour vous y aider, nous avons créé le Kit « Élu·es & Biodiversité » avec :
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