L’Atlas de la Biodiversité Communale : de la cartographie à l’attractivité d’un territoire
#BiodiversitéBZH, le portrait : Patrick Camus
Patrick Camus, adjoint au maire, en charge des travaux, de l’environnement et du cadre de vie, nous a accueilli dans la petite commune de Plougoumelen, 2471 habitant·e·s, dans le Morbihan.
L’objectif de notre rencontre : comprendre ce que sous-entend l’acronyme ABC, appréhender ce qu’il induit, les travaux qu’il mobilise et les résultats escomptés.
Avec cet exemple concret, nous apportons un éclairage sur les outils indispensables pour faire de votre patrimoine naturel, et donc de votre biodiversité, l’atout incontestable de votre territoire.
Nous avons la chance d’être reçus dans les bureaux de votre mairie.
C’est ici, la première étape de création d’un atlas communal ?
Patrick Camus : Oui, je tenais à ce que nous passions par un des lieux emblématiques du patrimoine bâti de notre commune. Mais comme vous vous en doutez, Plougoumelen accorde tout autant de valeurs et d’attention au patrimoine bâti qu’au patrimoine naturel. En tant qu’adjoint au maire et maintenant délégué sur toutes les questions liées à l’environnement, mon travail consiste à veiller à ce que le cadre de vie des concitoyen·ne·s soit le plus agréable possible. Nous travaillons donc, avec Madame la maire Léna Berthelot et toute l’équipe municipale, à faire en sorte que tous les aspects de la vie de nos concitoyen·ne·s soient améliorés. Et cela passe avant tout, selon nous, par un environnement naturel connu, sain et préservé.
Vous êtes les premiers dans le Morbihan à avoir réalisé un ABC.
L’acronyme signifie « Atlas de la Biodiversité Communale ».
On aimerait savoir : d’où vous est venue l’idée ?
Notre ABC est né d’une prise de conscience collective quant aux besoins de préserver notre patrimoine commun. Nous avons participé au premier colloque national sur les ABC organisé par VivArmor Nature aux côtés du Ministère de l’Écologie dans la région de Saint-Brieuc en septembre 2015. Nous étions convaincus de la nécessité d’intégrer ce projet à la gestion de la commune, un fort volet environnement qui allait plus loin qu’un simple logo ou un simple slogan. Restait à savoir comment orchestrer tout ce travail. L’appel à projet d’un “inventaire du patrimoine naturel, des habitats, de la faune et de la flore” lancé par la Région Bretagne sonnait comme une évidence pour un grand nombre d’entre nous. Après avoir candidaté, nous avons été lauréat du fonds de dotation de la biodiversité et nous avons obtenu un contrat Nature en 2016 par la Région Bretagne. Nous avons alors travaillé sans relâche pendant deux années.
📹 #BiodiversitéBZH, le portrait : Patrick Camus
Ce mois-ci, l’Agence est partie à la rencontre de Patrick Camus, adjoint à l’environnement à Plougoumelen et d’habitant·e·s de tous âges engagé·e·s dans la mise en oeuvre de l’ABC de la commune.
Reportage tourné au Traon qui nous offre un superbe panorama sur l’amont et l’aval de l’estuaire du Sal en plein coeur du Parc Naturel Régional du Golfe du Morbihan, dans le cadre d’une Breizh:Expedition proposée par In:Expeditions, plateforme de visio-expéditions au service de l’engagement.
À suivre… 2 autres épisodes consacrés aux acteurs de la communauté #biodiversitéBZH
Une douzaine d’autres communes du Parc Naturel Régional du Golfe du Morbihan ont été inspirées par cet appel à projet.
Peu, pour le moment, ont réussi à respecter les délais de restitution. Qu’est-ce qui, selon vous, a fait la différence ?
Notre initiative, comme celle des douze autres communes, a répondu à un appel à mobilisation du Ministère de l’Écologie et un ABC ne se construit pas seul. Si vous jetez un coup d’œil au document technique de 400 pages qui a été réalisé, vous verrez qu’il est impossible pour un seul homme ou une seule femme de produire une telle cartographie. Car il s’agit bien de cela, un atlas de la biodiversité communale est un répertoire précis de toutes les formes du vivant. De la mouette rieuse au papillon “La Petite Violette”, il y a une myriade d’espèces qui vivent auprès de nous. Et toutes celles-ci, nous devons les identifier. Dès le début, nous avons cherché à nous rapprocher de toutes les parties prenantes qui pourraient mettre leur pierre à l’édifice. Nous nous sommes rapprochés de la population, des services communaux, des associations de Plougoumelen et des communes des environs comme des structures régionales et nationales ; nous avons travaillé avec des professionnels urbanistes, avec des archivistes naturalistes. On s’est rendu compte qu’il existait beaucoup de données communales dispersées. Tous ces travaux n’auraient pas pu voir le jour sans l’étroite collaboration avec nos bureaux d’études associés Urbaction et Althis. Ils nous ont permis de mettre sur pied des éléments stratégiques, de réelles cartes pour quadriller géographiquement notre territoire. Nous avons également reçu l’aide de l’organisation du Parc Naturel Régional du Golfe du Morbihan dans la constitution d’autres données essentielles. Sans le concours de ces parties prenantes et de toutes les forces vives qui ont donné de leur temps, croyez-moi, il n’y aurait rien eu !
Christian Fontaine, professeur retraité © In:Expeditions
Et maintenant que vous avez réussi à constituer un ABC. A quoi vous sert-il ?
A de multiples choses ! C’est premièrement un véritable outil d’information. Que je m’explique : toutes les informations que nous avons répertoriées sont géo-référencées. Cela signifie que toutes les données que nous avons réussi à observer et compiler sont désormais accessibles à tou·te·s celles et ceux qui souhaiteraient être informé·e·s de la biodiversité de notre territoire. Sauf que le principe du vivant, c’est qu’il est en constante évolution. Nous continuons donc à enrichir cette base de données avec les habitants de Plougoumelen. Ces données sont partagées en temps réel avec le Parc Naturel Régional du Golfe du Morbihan. Elles rejoignent ensuite une base plus importante de la Bretagne et peuvent instruire d’autres dossiers à l’échelle étatique et même européenne ! Par ailleurs, l’ABC est un vrai outil d’aide à la décision. Depuis 2016, nous avons une meilleure connaissance des habitats naturels. Lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre une politique communale ou intercommunale, nous intégrons systématiquement le volet de protection de valorisation de la biodiversité. Nous avons d’ailleurs jumelé et intégré notre ABC avec notre révision du plan local d’urbanisme (PLU). Enfin, un ABC est avant tout une démarche collective. C’est un réel outil de mobilisation des administré·e·s, et quel que soit leur âge ! La preuve : à peine avions-nous fini le document technique, qu’à l’été 2017 nous organisions des opérations Vigie-Flore, avec l’Asphodèle Badennoise, une association de botanique dont le but est de faire découvrir la flore sauvage. Juste avant, nous avions organisé un concours photos et une balade “sauvages dans ma rue” pour sensibiliser les tou·te·s petit·e·s de l’école primaire Philippe Meirieu. Nous avons organisé des conférences avec des spécialistes. Les étudiant·e·s du lycée agricole nous ont aidé à mettre en place la cartographie des habitats naturels sur la base de la nomenclature européenne. Ce sont des cas concrets d’application pour les jeunes !
Il vous arrive fréquemment d’être contactés par d’autres élu·e·s qui souhaitent répliquer leur propre ABC. Que leur transmettez-vous ?
Je suis très content de savoir que l’enjeu de la biodiversité est de plus en plus compris et intégré par les élu·e·s. Nous ne devons pas oublier qu’une loi pour la reconquête de la biodiversité a été promulguée le 9 août 2016 et que nous avons désormais des outils mis à disposition des collectivités, comme cet atlas. Il faut s’en saisir car il permet d’améliorer la connaissance sur la biodiversité à l’échelle de la commune dans un esprit de science citoyenne et de travail collaboratif. Nous nous rendons compte que ce positionnement est un réel faire-valoir auprès des touristes et même dans le choix d’une installation. C’est une bonne chose car nous allons fidéliser un public sensibilisé qui ne viendra pas dans le but de consommer un territoire, mais bien de l’enrichir !
C’est souvent sur la question des budgets que le bât blesse. Quelle ligne budgétaire l’ABC représente-t-il dans les coûts municipaux ?
Le coût global d’un tel projet sur 2/3 ans est d’environ 50 000 euros TTC. Mais avec les différentes sources de subventions (fonds de dotation, Région voire Ministère), la charge communale peut n’être évaluée qu’à 20/30% de ce coût global. Les dépenses concernent essentiellement les frais d’études, les documents, supports pédagogiques et les animations.
Vous avez une carrière à l’Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer (IFREMER). Que représente pour vous le fait de vous engager désormais à l’échelle locale et quelles sont vos plus grandes victoires ?
Quand votre passion a été de travailler à une meilleure connaissance d’un milieu naturel, en l’occurrence marin, vous ne pouvez pas simplement lever le pied à la retraite et vous dire que tout a été fait. Votre rôle, en tant qu’élu, est de léguer à toutes les générations qui viendront après nous l’écosystème le plus sain possible. Nous avons des petites victoires ! Lorsque vous apprenez qu’une espèce que l’on pensait disparue réapparaît sur votre commune, vous êtes ravis, croyez-moi ! Lorsque vous réussissez à mettre tout le monde d’accord autour d’une table sur la révision d’un plan d’urbanisme pour rétablir un cours d’eau ou que le volet environnement est intégré dans le projet de revitalisation d’un centre urbain ou dans la création d’un nouveau lotissement, vous comprenez qu’on est sur la bonne voie. Un ABC est un projet fédérateur qui favorise aussi le lien social indispensable pour maintenir un environnement de qualité dans une petite commune comme la nôtre. Et puis, ce qui nous plaît le plus, c’est évidemment lorsque les habitant·e·s de Plougoumelen, petit·e·s et grand·e·s, nous rapportent leurs observations. C’est une grande satisfaction de les savoir avec nous, les yeux grands ouverts.
Michel Le Sommer, chasseur-piégeur © In:Expeditions
Angèle, écolière de Plougoumelen
Le contrat nature « trame verte et bleue » est un dispositif pérenne proposé par la Région Bretagne. Il a notamment permis de financer 3 nouveaux ABC en Morbihan en 2019, après celui de Plougoumelen !