Comment mener simultanément plusieurs atlas de la biodiversité sur un territoire ?

Publiée le 23 juin 2023

Créé en 2014, le Parc naturel régional du Golfe du Morbihan s’étend sur 37 communes, recense plus de 180 000 habitant·es sur une surface supérieure à 74 000 hectares. Dans le cadre de ses nombreuses missions, il travaille notamment à préserver, sauvegarder et améliorer la biodiversité. Pour atteindre ses objectifs en matière de biodiversité, le Parc doit connaitre son territoire et les espèces qui y vivent. Dont acte ! En 2018, il lance la réalisation d’Atlas de la Biodiversité Communale (ABC) en accompagnement des communes. Coordonner la réalisation des ABC simultanément sur de nombreuses communes est un travail sur la durée qui nécessite une certaine méthodologie pour convaincre, créer une démarche collective et in fine réussir ces atlas !
Comment réussir à mobiliser toutes les collectivités de son territoire ? 🎤 5 questions à Pierline Tournant, coordinatrice et chargée de projet « Atlas de la biodiversité communale » au Parc Naturel Régional du Golfe du Morbihan.

Inventaire champignons, ABC de St Nolff © PNR du Golfe du Morbihan

1. Pourquoi intervenir à l’échelle communale plutôt qu’intercommunale ? 🗺

Comme l’indique Pierline Tournant, « les deux niveaux d’intervention se justifient selon vos priorités : un diagnostic global au niveau EPCI permet d’avoir une vision d’ensemble et de faire évoluer la politique de l’aménagement tandis qu’une démarche communale facilite les dynamiques avec les acteurs, les élu·es locaux et les habitant·es ».

Pour le Parc, plusieurs raisons orientent le choix vers le niveau communal pour favoriser la montée en compétence des communes sur les enjeux de biodiversité, conforter leurs rôles d’actrices et décideuses et enfin mobiliser le plus grand nombre d’acteurs sur le territoire (citoyen·nes, acteurs socio-économiques, agent·es et élu·es des collectivités…).

2. Comment mobiliser toutes les communes ? 🙋🏻‍♀️

Si le premier atlas de la biodiversité sur son territoire est initié en 2016 par la commune de Plougoumelen, c’est en 2018 que le premier projet collectif d’ABC porté par le Parc voit le jour.

L’objectif fut de répondre aux critères de l’appel à projets de l’Office français de la Biodiversité de l’époque, et donc, de se concentrer sur les communes rétro-littorales, là où les inventaires de la biodiversité était moins développés.

Nous sommes allés à la rencontre des conseils communaux du territoire pour mobiliser les élu·es. Lors de ces échanges, le binôme agente-élu du Parc pouvait apporter deux visions sur les atlas. D’après notre expérience, trois arguments ont permis de remporter leur adhésion :

  1. Le fait que le projet allait être coordonné par le Parc. C’était important pour les plus petites collectivités en vue de garantir la capacité d’aboutir à un projet concret.
  2. Un plan de financement qui mutualise plusieurs actions (inventaires, animations etc.), mais qui propose également une participation financière annuelle des communes (en fonction de leur taille) pour qu’elles puissent s’approprier le sujet et personnaliser leurs actions.
  3. Et bien évidemment l’objectif de préserver la biodiversité et le patrimoine naturel du territoire. »

Résultat : 12 communes (Ambon, Elven, Lauzach, Meucon, Plescop, Ploeren, Pluneret, Saint-Avé, Sainte-Anne-d’Auray, Sulniac, Surzur et Vannes) ont souhaité participer au premier projet d’ABC. 3 ans après, un deuxième projet (en répondant à deux appels à projets de l’Office français de la biodiversité entre 2020 et 2021) permet à 21 communes supplémentaires (Arradon, Arzon, Auray, Berric, Brec’h, Crac’h, Damgan, Ile-d’Arz, Ile-aux-Moines, Larmor-Baden, La Trinité-Surzur, Le Bono, Le Tour-du-Parc, Locmariaquer, Saint-Armel, Saint-Nolff, Saint-Gildas-de-Rhuys, Saint-Philibert, Sarzeau, Séné et Theix-Noyalo) de les rejoindre. « Cette fois, la mobilisation fut plus facile ! Certaines communes se sont même portées candidates avant que le PNR n’acte une nouvelle candidature. Les actions et les résultats des 12 premiers atlas ont montré l’intérêt du projet à de nombreuses collectivités. »

Enfin, c’est lors du dernier appel à projets en 2022 que le Parc peut revendiquer 100% de son territoire couvert par des atlas avec l’arrivée des 4 dernières communes (Baden, Le Hézo, Treffléan et Monterblanc) dans le projet.

Animation à Theix-Noyalo

3. Quelle méthode de travail entre le Parc et les communes ? 🤝

La question du rôle des communes dans la gouvernance du projet évolue au fil des ans. Basé initialement sur un portage local par un binôme de référent·es communaux (souvent un·e élu·e et/ou un agent), cette méthode démontre ses limites. La gouvernance évolue ainsi pour aboutir aujourd’hui à un système basé sur un ou deux référent·es communaux directement en lien avec le Parc et un groupe de travail constitué d’acteurs du territoire (partenaires naturalistes, citoyen·nes, associations locales, élu·es…) afin de faciliter l’appropriation du projet et de les rendre parties prenantes. Un point de vigilance cependant, pour l’implication afin de garder une dynamique !

Autre élément incontournable pour garantir le succès de la démarche à une si grande échelle : développer une méthode de travail collective en mutualisant plusieurs outils (outils informatiques de recensement des données, de sensibilisation et de communication…) :

  • Sur la partie technique, le Parc prend en charge la récolte des données, la réalisation des inventaires et la rédaction des documents de diagnostics et plans d’actions des communes. La mutualisation va cependant pouvoir s’adapter aux spécificités du territoire.

Par exemple :

    • le Parc, en partenariat avec le GRETIA, a réalisé des inventaires de l’Escargot de Quimper sur 6 communes seulement au regard des priorités et des connaissances des territoires en question.
    • des communes peuvent nécessiter moins d’actions sur les inventaires, car de nombreuses données peuvent déjà exister via des actions passées ou en cours

      Restauration d’un lavoir à Berric © PNR Golfe du Morbihan

    • enfin, des actions spécifiques peuvent être proposées aux communes sur la base du volontariat. C’est le cas, par exemple, d’un diagnostic du bâti public mené récemment pour identifier les espaces abritant des chauves-souris »
  • Les communes sont relativement autonomes sur la mobilisation citoyenne. Elles peuvent utiliser les outils mis à disposition (communication « Wanted » (avis de recherche), page agenda, kits pour organiser des évènements…), mais elles peuvent aussi aller plus loin en lançant leurs propres initiatives de sensibilisation et mobilisation.
L’un des avantages de faire des atlas à plusieurs est la dynamique de coopération qui s'installe entre les différentes communes.
- Pierline Tournant, coordinatrice et chargée de projet ABC au PNR du Golfe du Morbihan -

Les différents atlas, en prenant connaissance de leurs actions respectives, vont s’enrichir réciproquement en bonnes idées. Les acteurs échangent, expliquent ce qui a fonctionné ou pas, et peuvent même s’encourager à lancer des actions collectives. « Par exemple, Locmariaquer et Saint-Philibert ont pu organiser ensemble une rencontre sur le terrain avec des expert·es et des citoyen·nes sur une zone limitrophe aux deux communes. Une dynamique qui n’aurait peut-être pas été développée si les communes étaient parties seules. »

Journée des référent·es ABC, janvier 2023 © PNR Golfe du Morbihan

 

Afin d’entretenir cette motivation collective en échanges et retours d’expériences, le Parc envisage d’organiser un rendez-vous annuel pour la biodiversité, suite à la première journée de janvier qui a réuni les référent·es des 37 communes concernées par le projet d’ABC.

4. 100% du territoire couvert par des ABC, et après ? ⏭

La réalisation des atlas a plusieurs effets positifs qui dépassent les objectifs du dispositif !

Des actions collectives en faveur de la biodiversité germent entre communes limitrophes. Il arrive désormais que les agent·es et services techniques travaillent ensemble pour réaliser des actions. C’est souvent le cas pour des actions d’arrachage de Baccharis (plantes exotiques envahissantes) ou la mutualisation de conférences sur la gestion des arbres par exemple.

Plusieurs communes ayant terminé leur ABC dédient des petits budgets à la biodiversité pour poursuivre les actions. À Elven et Lauzach, on organise des évènements fédérateurs annuels autour de la biodiversité. La portée des actions menées dans le cadre des ABC évoluent également « Par exemple, la commune de Saint-Philibert a pour projet la réalisation d’une maison de la nature dans un ancien sémaphore du territoire tandis que la commune d’Auray a décidé d’orienter ses futures actions biodiversité sur le sujet de la nature en ville et organise des groupes de travail regroupant des élu·es et des représentant·es d’associations  » précise Pierline Tournant.

Les résultats des ABC inspirent également les communes voisines du Parc qui se lancent également sur des atlas. Dans un esprit de coopération, la structure leur met à disposition sa plateforme d’inventaires participatifs et les données résultantes ainsi que plusieurs de ses outils de communication.

Alors que les derniers ABC doivent se terminer l’année prochaine, la question commence à se poser de l’après et de la mise en œuvre des plans d’actions. En effet, il est très important, une fois le diagnostic établi, de poursuivre et de déclencher les actions ! Justement, des financements existent et l’Agence Bretonne de la Biodiversité vous aide à les identifier sur l’interface MaQuestion #biodiversitéBZH.

D’autres pistes d’actions pour poursuivre la dynamique ? Territoires Engagés pour la Nature (TEN) fait partie de la boîte à outils structurant la mise en œuvre des stratégies de reconquête de la biodiversité. Cette démarche permet d’accentuer l’appropriation locale et de poursuivre les actions ABC (mais pas que !). Vous êtes intéressé·e ? Vous avez jusqu’au 6 octobre pour candidater !

5. Quelques conseils pour mener plusieurs ABC sur un territoire💡

Pierline nous partage quelques conseils pour réaliser des projets d’ABC/ABI englobant plusieurs collectivités :

  • « En premier lieu, il est important de ne pas s’appuyer uniquement sur les élu·es et les agent·es communaux. Il faut favoriser la connaissance et l’appropriation des enjeux de la biodiversité par les élu·es, mais aussi par la population, les associations et les acteurs socio-culturels et économiques ! » Il faut les faire intervenir dans la construction du projet, dans sa mise en place, mais surtout dans des actions concrètes.
  • Outre les acteurs intéressés par le sujet, il faut profiter de l’atlas pour toucher un maximum de publics différents qui n’ont pas nécessairement la sensibilité ou les connaissances sur le sujet (scolaires / citoyen·nes / agriculteur·ices / entreprises…).
  • Ensuite, le Parc recommande de ne pas travailler seul dans son coin. En effet, échanger avec d’autres collectivités qui réalisent des atlas permet de s’inspirer d’idées et de se conforter sur l’avancée de son propre projet.
  • Elle évoque également l’importance de communiquer un maximum pour renforcer l’appropriation du sujet.
  • « Pour un portage fort, une personne (agent·e ou élu·e) entièrement dédiée à l’ABC et la montée en compétence des acteurs sur la biodiversité me semble indispensable. Au Parc, nous sommes 2 personnes à travailler sur l’animation et la coordination des atlas. »



CONTACT
Corentin LE BOURHIS
Chef de projet ingénierie
86 61 21 07
corentin.lebourhis[at]biodiversite.bzh

Vous souhaitez lancer votre atlas de la biodiversité ? L’interface MaQuestion #biodiversitéBZH va vous mettre en relation avec des ressources documentaires, des contacts
du Réseau breton de l’accompagnement et des pistes de financement !

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📣 Communes et EPCI : avec TEN, faites reconnaître vos initiatives pour la biodiversité !
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Encore une raison supplémentaire d’entreprendre des initiatives en faveur de la biodiversité dans les territoires bretons !

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