Biodiv’Bretagne : la plateforme des données naturalistes est lancée !

Publiée le 15 décembre 2020

Depuis le 10 décembre, la plateforme des données naturalistes en Bretagne est en ligne. Son nom ? Biodiv’Bretagne. Sa vocation ? Permettre aux professionnel·le·s (collectivités locales, établissements publics, universitaires, aménageurs, bureaux d’études…) et aux citoyen·ne·s de se renseigner sur la présence d’espèces et de les localiser sur une carte, a minima à l’échelle d’une commune.

Paruline couronnée (Seiurus aurocapilla), nouvelle espèce pour la France métropolitaine, découverte en 2019 sur l’Île de Molène © Stanislas Wroza / Office français de la biodiversité

C’est une œuvre dantesque débutée en 2016. Biodiv’Bretagne, la plateforme régionale des données naturalistes est en ligne depuis la mi-décembre. Elle est l’aboutissement d’un travail collectif mené par de multiples acteurs bretons : associations naturalistes en tête (Bretagne Vivante, Bretagne Grands Migrateurs, Groupe mammalogique Breton , Groupe d’Etude des Invertébrés Armoricains (GRETIA), Groupe d’Études Ornithologiques des Côtes-d’Armor (GEOCA), VivArmor Nature), accompagnées par le Conservatoire Botanique National de Brest), le tout mis en œuvre par l’Observatoire de l’Environnement en Bretagne (OEB).

Avec cette plateforme régionale, ces acteurs locaux impliqués ont fait le choix d’aller au-devant de l’obligation du législateur* en rendant localisables les espèces sur une carte, a minima à l’échelle de la commune, grâce à la mise en ligne de données « publiques », c’est-à-dire issue d’études et d’inventaires financés ou imposés par les pouvoirs publics. Mais surtout, de données dites « privées », issues d’observations naturalistes faites par les bénévoles sur le terrain. Selon les estimations de l’OEB en charge de la centralisation des données, Biodiv’Bretagne pourrait contenir à terme entre 5 et 7 millions de données naturalistes bretonnes (contre 1,5 million aujourd’hui) avec près de 75% de données dites privées, concernant mammifères, oiseaux, invertébrés continentaux, poissons grands migrateurs, reptiles – amphibiens et flore.

Une « petite révolution » dans le monde naturaliste

« Dans le monde naturaliste, rendre accessible les données et les centraliser sur une plateforme en accès ouvert, c’est une petite révolution. Il n’y a encore pas si longtemps la donnée naturaliste était presque considérée comme un trésor de guerre », explique François Siorat, chef de projet Biodiversité et Patrimoine naturel à l’OEB. Un trésor important pour les parties prenantes qui l’ont téléversé dans la plateforme, dans le but de créer « un outil qui soit représentatif du travail naturaliste bénévole réalisé sur le terrain », complète l’OEB.

« Au sein du Groupe mammalogique breton, nous faisons le pari que plus l’information naturaliste circule, plus la nature sera prise en compte », confirme Franck Simonnet, chargé de mission Études et conservation de cette association, qui centralise les observations de 2 500 personnes. L’association a donc informé et incité ses bénévoles à accepter de communiquer leurs données, pour qu’elles soient ensuite versées sur la plateforme. En parallèle, des garde-fous ont été mis en place par les acteurs du projet. La localisation géographique précise de certaines espèces a été réduite (seulement localisable à l’échelle d’une commune) pour éviter les risques qu’une trop large diffusion pourraient faire peser sur certaines espèces ou individus. Dans le cas des données transmises par le Groupe mammalogique breton, 25% des données ont ainsi été « floutées » (c’est par exemple le cas des gîtes des chauves-souris, des terriers de loutres, blaireaux, renards, castors, putois). Concrètement, ce floutage n’est pas incompatible avec une large diffusion de l’information : si un citoyen·n·e ou groupe d’intérêt souhaite récupérer ces données « sensibles », il doit se mettre en relation directe avec le gestionnaire de la plateforme ; l’OEB, pour un premier contact.

Rendez-vous sur Biodiv’Bretagne !

Dans le monde naturaliste, rendre accessible les données et les centraliser sur une plateforme en accès ouvert, c’est une petite révolution. Il n’y a encore pas si longtemps la donnée naturaliste était presque considérée comme un trésor de guerre.
- François Siorat, chef de projet Biodiversité et Patrimoine naturel à l’OEB -

À quoi va servir cette plateforme ?

« Cet outil ouvert répond à des besoins d’informations divers qui peuvent émaner d’une collectivité, d’un média d’informations, d’un bureau d’études ou encore d’une université », avance François Siorat. Prenons le cas d’un bureau d’études missionné pour étudier la présence d’espèces dans une zone. Dans certains cas, celui-ci a déjà accès à des inventaires produits dans le cadre des Zones Naturelles d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF) mais celles-ci couvrent une portion limitée du territoire. Désormais, l’accès à cette plateforme donnera accès à une autre source d’informations. Autre application concrète présentée par François Siorat : dans le cas de la création par une collectivité d’un Atlas de la biodiversité. « Un tel inventaire est un investissement financier très conséquent quand il est débuté à l’état zéro. Grâce aux données de la plateforme, cette collectivité pourra avoir accès à un état des connaissances déjà existant sur la présence d’espèces, et mieux cibler les zones où des inventaires sont nécessaires. »

Sans oublier ceci : la plateforme facilitera également le travail de gestion des associations naturalistes. « À titre personnel, je vais avoir accès à des données sur certaines espèces de poissons susceptibles d’influer sur la présence des loutres », confirme Franck Simonnet.

Au sein du Groupe mammalogique breton, nous faisons le pari que plus l’information naturaliste circule, plus la nature sera prise en compte.
- Franck Simonnet, chargé de mission Études et conservation, Groupe mammalogique breton -
Pieride du chou / LPO Bretagne © O Retail Photography

Biodiv’Bretagne recense déjà 1,5 million de données. Autant de points de localisation précis, a minima à l’échelle des communes, d’espèces tels que mammifères, oiseaux, invertébrés continentaux, poissons grands migrateurs, reptiles – amphibiens et flore.

Prochaine étape : l’exploitation des données

Si pour l’heure, l’OEB et les associations naturalistes s’attèlent à alimenter la plateforme en données, il est déjà prévu d’aller plus loin. En effet, celle-ci sera parfaitement opérationnelle lorsqu’elle permettra d’exploiter plus finement les données, en créant des outils d’analyse visant à bâtir un état des connaissances précis de certaines espèces, par exemple en constituant des cartes de synthèse thématiques. Ainsi, il sera possible pour les porteurs de projets et les financeurs de mieux cibler les zones où concentrer les recherches et études.

Comment utiliser Biodiv’Bretagne ?

  • Exemple #1 avec la loutre d’Europe

    Présence de la loutre d’Europe en Bretagne en 2000

    Présence de la loutre d’Europe en Bretagne en 2020

Avant 2000 (carte du dessus), on constate la présence de la loutre d’Europe dans seulement quelques cours d’eau breton, principalement situé en Centre-Bretagne. À contrario en 2020, les données de localisation sont bien plus nombreuses et éparses. La plateforme fournit des éléments sur le phénomène de recolonisation des cours d’eau bretons par cette espèce.

 

  • Exemple #2 avec le campagnol des Champs

Présence du campagnol des champs en Bretagne en 2000

Présence du campagnol des champs en Bretagne en 2020

 

Concernant l’aire de répartition du Campagnol des Champs en Bretagne entre 2000 et 2020, la plateforme met nettement en évidence une progression de l’espèce sur tout le territoire.

 

  • Exemple #3 avec le blaireau européen

Exemple de présentation de données dites « sensibles » avec la localisation du blaireau cendré entre Plaintel et Quintin (22) en 2020

 

Dans les Côtes d’Armor, autour des communes de Plaintel et Quintin, on remarque la présence du blaireau européen.  Les spécimens sont localisés avec plus ou moins de précision, selon le degré de « sensibilité » de la donnée. Les cercles bleus sont des localisations GPS précises, tandis qu’au sud de Quintin, on distingue un simple tracé bleu, contour d’une commune. On est certainement en présence d’un terrier, dont la localisation a volontairement été floutée car cette donnée concerne le gîte de l’espèce et fait partie des données dites sensibles.

 

  • Exemple #4 avec le courlis cendré

Carte de répartition du courlis cendré, filtrée avec les jeux de données des Atlas des oiseaux nicheurs de Bretagne et celui des Côtes d’Armor en 2020

Carte de répartition du courlis cendré, filtrée avec les jeux de données des Atlas des oiseaux hivernants en 2020

 

En haut, la carte de répartition du courlis cendré, filtré avec les jeux de données des Atlas des oiseaux nicheurs de Bretagne et celui des Côtes d’Armor. En dessous, cette même carte de répartition filtrée avec les jeux de données des Atlas des oiseaux hivernants. La comparaison de ces deux cartes permet d’établir deux choses. La première est que l’espèce se déplace sur les zones côtières durant l’hiver et niche dans d’autres zones, probablement des landes humides. La seconde étant que pour des raisons évidentes de préservation de l’espèce, les données de l’Atlas des oiseaux nicheurs ont été floutées et ne sont accessibles que dans un périmètre de 10 km².

 

Merci à Franck Simonnet du Groupe mammalogique breton de nous avoir montré le potentiel d’interprétation des données de Biodiv’Bretagne.

 

À votre tour d'explorer les données de Biodiv'Bretagne !

Biodiv'Bretagne, l'essentiel

  • C’est le fruit d’un travail commun porté depuis 4 ans par des nombreuses associations naturalistes bretonnes, le Conservatoire Botanique de Brest et l’OEB. Elle rend accessible à tous les citoyen·ne·s, institution publique ou privée, les données naturalistes (publique et privée) bretonnes.
  • 75% des données intégrées à la plateforme sont le fruit d’observations naturalistes faites par des bénévoles sur le terrain.
  • Biodiv’Bretagne est un outil de centralisation des données qui servira autant au travail de concertation des associations naturalistes, qu’à celui d’acteurs public ou privé, impliqués dans la préservation de la biodiversité bretonne.
3 outils complémentaires au service de la biodiversité en Bretagne

En savoir plus :
Breizh Biodiv
Biodiv’Bretagne

* Transposition de la directive européenne INSPIRE, qui se traduit, en France, par la mise en place du Système d’Information sur la Nature et le Paysage (SINP). En Bretagne, cette politique est mise en œuvre par l’Observatoire de l’Environnement en Bretagne sous la tutelle de la Région Bretagne et de l’État.

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