Comment prendre en compte le littoral dans son Atlas de la biodiversité ?

Publiée le 25 juin 2025

En attendant l’annonce des premiers lauréats 2025 du programme des atlas de la biodiversité (ABC) de l’Office français de la biodiversité, on s’intéresse au littoral. Ce milieu qui concentre une biodiversité remarquable est aussi fortement soumis à des pressions multiples (urbanisation et pression foncière, surfréquentation touristique, érosion du trait de côte…). Alors, comment les collectivités littorales engagées dans un ABC peuvent-elles intégrer l’ensemble de ces enjeux et faire de cet outil un levier de préservation du littoral ?
Cap sur 2 collectivités engagées dans un Atlas de la biodiversité ; au niveau communal avec Quiberon (56) depuis 2023 et intercommunal avec Saint-Malo Agglomération (35) depuis 2024 !

Animation estran limicoles © Saint-Malo Agglomération

Repères

  • Saint-Malo Agglomération, intercommunalité de 18 communes accueille plus de 80.000 habitant·es. Elle est bordée par trois milieux marins caractéristiques : la Baie du Mont-Saint-Michel, la Côte d’Émeraude et la Rance maritime abritant de nombreux habitats et espèces d’intérêt communautaire tels que le Grand dauphin, les Sternes de Dougall, le Gravelot à collier interrompu ou encore des herbiers de Zostères. C’est également la deuxième destination touristique de Bretagne.
  • La commune de Quiberon, ville touristique atteignant presque 5.000 habitant·es est située à l’extrémité de la Presqu’île de Quiberon bordée par l’Océan Atlantique. Elle est présente sur le Grand Site de France Dunes Sauvages de Gâvres à Quiberon et une zone Natura 2000 « Massif dunaires de Gâvres/Quiberon ». La commune fait partie de la première destination touristique bretonne.

Pour commencer, rappelons les 4 grandes phases d’un atlas de la biodiversité :

  • La réalisation d’un inventaire des connaissances existantes pour définir les manques et les priorités
  • La réalisation de diagnostics et d’inventaires afin de cartographier et de comprendre les enjeux
  • La mobilisation de la population et des acteurs du territoire pour sensibiliser et agir sur la biodiversité
  • La mise en place d’un plan d’actions pour préparer le post-ABC

Comment la question du littoral peut s’intégrer dans les différentes phases de l’ABC ?

1. L’inventaire des connaissances existantes

Le littoral est l’un des milieux naturels les plus inventoriés en Bretagne. Cela s’explique du fait qu’une grande partie du littoral se situe sur des sites protégés. Saint-Malo Agglomération et la commune de Quiberon ne font pas exception et disposent de zones Natura 2000 marines, de ZNIEFF ou d’espaces naturels sensibles gérés par le Conservatoire du littoral, les Départements ou par le Syndicat du Grand site Dunes Sauvages de Gâvres à Quiberon.

« Sur le territoire de Saint-Malo Agglomération, quasiment 100% de notre littoral est une zone protégée, ce qui nous offre l’accès à beaucoup de données biodiversité et à des financements liés aux zones protégées » explique Morgane Perrette, directrice de la transition écologique à Saint-Malo Agglomération.

« Toute la côte Ouest de Quiberon l’est également au travers du syndicat du Grand site Dunes Sauvages de Gâvres à Quiberon et du Conservatoire du littoral. Ce cadre facilite grandement l’accès à de nombreuses données existantes. Pour les récupérer facilement, il est donc essentiel d’intégrer les gestionnaires de ces aires protégées dès le début du projet. » complète Oona Le Rallic-Maho, qui accompagne l’ABC de Quiberon.

Une fois toutes les données récoltées et les priorités identifiées, les échanges avec ces acteurs en amont vont permettre de réfléchir tout au long du projet sur le périmètre de l’atlas et l’implication des partenaires mais aussi sur ce qui doit être envisagé en dehors de l’ABC. La collaboration peut ainsi permettre de mutualiser certaines actions ou moyens pour couvrir une plus grande partie du territoire.

« Sur la commune de Quiberon, les échanges en amont ont permis de se rendre compte que, même si le syndicat du Grand Site avait accès à beaucoup de données, il fallait réactualiser les données sur les habitats. » précise Oona.

2. La réalisation du diagnostic et des inventaires

Compte tenu du nombre déjà important de données existantes sur le littoral, il n’est pas toujours pertinent d’y concentrer les inventaires complémentaires. Cela ne signifie pas pour autant que ces zones doivent être systématiquement écartées.

« La côte Est de Quiberon, qui n’est pas un site protégé, présente de nombreuses lacunes en termes de données. La commune a donc choisi d’y concentrer une partie des inventaires. Il s’agit d’inventaires chiroptères, avec notamment l’inventaire de gîtes de chauves-souris qui pourraient se trouver dans des grottes littorales mais aussi d’inventaires botaniques et d’études de la fonctionnalité des micros-habitats (murets, zones humides, arbres morts ou remarquables, haies bocagères…). Ces données sont précieuses pour orienter la construction du plan d’actions » explique Oona Le Rallic-Maho.

A Saint-Malo Agglomération, le choix a été différent : pas d’inventaires sur la bande littorale à proprement dite, mais un focus sur les espaces en interaction avec elle. « Plusieurs inventaires porteront sur des zones en lien avec le littoral, en raison des déplacements d’espèces et des dynamiques terre-mer. Nous avons choisi de nous concentrer sur la biodiversité « ordinaire » de l’arrière-pays, pour mieux comprendre comment elle alimente les milieux littoraux », nous détaille Morgane Perrette.

Sur l’intercommunalité, une exception illustre l’intérêt d’investir le sujet littoral dans certains cas. A Saint-Suliac, sur le site des Cassières, des inventaires ont été réalisés grâce à l’ouverture d’une site sans données actualisées et la volonté de la commune d’explorer le secteur. « Cette opportunité, saisie en lien avec la volonté de la commune, montre qu’il ne faut pas exclure le littoral mais rester à l’écoute des occasions qui se présentent » confirme Morgane Perrette.

3. La mobilisation citoyenne

A Saint-Malo Agglomération, « nous avons décidé d’intégrer le sujet du littoral au travers des actions de sensibilisation. Une quinzaine d’animations à destination de la population seront réalisées sur l’estran tout au long du projet avec l’objectif de la faire participer à la collecte de données et de faire évoluer son rapport au littoral. En effet, il est davantage perçu selon les activités humaines : urbanisme, tourisme et loisirs, agriculture… et moins dans une approche écosystémique. » explique Nathalie Bernard-Griffiths, chargée de projet Atlas de la Biodiversité Intercommunale à Saint-Malo Agglomération.

Suite à l’inventaire des connaissances, la collectivité a mis en place des protocoles de sciences participatives là où la donnée était manquante, en collaboration avec les structures naturalistes locales expertes sur ce milieu. Elle s’est ainsi focalisée sur les hermelles (programme ReeHab), les limicoles, les estrans rocheux (programme Biolit) ou encore la laisse de mer (programme Plages Vivantes). Après consultation et participation des partenaires naturalistes, le choix s’est porté sur l’acquisition de données faune – flore opportunistes, saisies via le programme Biolit.

« Les gestionnaires des sites réalisaient déjà de nombreuses sorties nature dans leurs actions récurrentes. C’est pourquoi, dans le cadre du programme d’Atlas de la biodiversité, on a décidé de se concentrer sur de la mobilisation citoyenne au travers de la science participative sur les milieux et espèces pouvant bénéficier d’actualisation des données » complète Nathalie.

A Quiberon, un autre exemple de mobilisation citoyenne a été porté par un partenaire de la commune. « Humus-libre a réalisé sur la grande plage de la commune une animation sur les macro-algues à destination des habitant·es. Une trentaine d’habitant·es de tous âges ont participé à cette animation » informe Camille Pilisi, écologue et présidente de Foxaly.

Les actions de mobilisation citoyenne constituent un ingrédient essentiel à la réussite d’un atlas de la biodiversité, car elles leur permettent de mieux connaître le milieu naturel et de s’interroger sur leur rapport au Vivant Pour maximiser son impact, il est fondamental d’impliquer l’ensemble des usagers du territoire, y compris les résident·es secondaires, qui participent à la vie locale, notamment lors de la saison touristique. En associant durablement tous les publics, l’ABC devient ainsi un véritable outil partagé de connaissance, de protection et de valorisation de la biodiversité locale.

4. La réalisation du plan d’actions

Flore Ophrys passionis, ABC de Quiberon © Foxaly

L’atlas de la biodiversité ne s’arrête pas à l’inventaire : il prépare l’avenir. Il doit déboucher sur un plan d’actions concret, coconstruit, et adapté aux enjeux du territoire.

Sur le littoral, les actions peuvent prendre plusieurs formes : restauration de dunes pour lutter contre l’érosion, poursuite des inventaires sur des zones encore lacunaires, sensibilisation des usagers, intégration des enjeux de biodiversité dans les documents d’urbanisme (PLU, PLUi), etc.

Pour Saint-Malo Agglomération qui commence à réfléchir à son plan d’actions : « les premières pistes de réflexion incluent le devenir d’anciennes lagunes d’assainissement. Comment restaurer certaines fonctionnalités, valoriser ces milieux auprès des habitant·es et penser leur devenir à long terme ? Nous envisageons de lancer un projet pilote de restauration sur une première lagune qui se situe à proximité du littoral de la Rance. Si les résultats sont concluants, ce site pourrait devenir un exemple reproductible et un démonstrateur pratique pour d’autres lagunes du territoire », explique Nathalie Bernard.

D’autres pistes d’actions peuvent exister comme :

Quelques recommandations pour réussir son atlas en lien avec le milieu littoral

Pour conclure, laissons la parole aux territoires et leurs partenaires à travers quelques conseils pour celles et ceux qui souhaiteraient lancer un atlas sur un territoire littoral.

Du côté de Foxaly, l’importance d’une lecture fine des données notamment ornithologiques est mise en avant.

« Sur beaucoup de territoires, on dispose d’une grande quantité de données sur les oiseaux. Mais cela ne suffit pas : faut-il agir pour une espèce qui ne fait que migrer ponctuellement ou pour celles qui sont réellement présentes à l’année ? Une donnée isolée d’un oiseau rare en migration ne justifie pas forcément une action locale. Il est donc essentiel d’identifier les espèces réellement inféodées aux milieux, et pour cela, une bonne connaissance des habitats est indispensable. Une fois les habitats naturels identifiés, il est possible de cibler les espèces concernées et leurs besoins », explique Camille Pilisi.

Quant à Morgane Perrette de Saint-Malo Agglomération, son attention se porte sur le choix de zonage à faire pour son atlas :

« Il y a d’énormes enjeux sur le littoral, érosion du trait de côte, submersion marine, fréquentation touristique, pression foncière… Il peut sembler paradoxal de ne pas y concentrer tous ses efforts. Mais selon les territoires, ces sujets sont parfois déjà bien pris en charge par d’autres acteurs (Conservatoire du littoral, Parc naturel régional, syndicat mixte de bassin versant…). A l’inverse, certains milieux moins visibles et moins connus dans les terres peuvent être tout aussi riches en biodiversité tout en ayant un impact (ou non) sur le littoral. Il faut le faire accepter et comprendre aux élu·es et aux habitant·es ! »

Atlas de la biodiversité : quelle dynamique en Bretagne depuis 2010 ?

Les atlas de la biodiversité communale (ABC) se sont progressivement déployés dans les territoires, jusqu’à devenir une politique publique inscrite dans la 3ème stratégie nationale pour la biodiversité fin 2023. De nombreuses questions se posent sur ces ABC et leurs années d’expansion : comment les territoires s’en saisissent-ils ?

1er aperçu de l’évaluation
[Webinaire] Partage des résultats de l'évaluation des effets des ABC en Bretagne

Le mardi 1er juillet, de 12 à 13h, la direction régionale de l’OFB vous partage les apprentissages, points forts et recommandations issus de l’étude évaluative portant sur les 67 ABC réalisés en Bretagne de 2010 à 2023.

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