[Culture] Patrick Scheyder : « L’écologie est au-dessus de l’idéologie : c’est la vie, tout court »
Auteur de livres sur la biodiversité, pianiste et compositeur, Patrick Scheyder sensibilise à la protection de la Nature, à travers une approche originale. Mêlant l’Histoire et l’Art, son spectacle « Des jardins et des Hommes » qu’il fait évoluer depuis plusieurs années et son nouvel ouvrage baptisé « Pour une pensée écologique positive » donnent à voir l’écologie sous un jour nouveau. L’artiste sera en résidence d’écriture à la Gacilly (56) cet été puis ira à la rencontre du public un peu partout en Bretagne.
Acteurs de la #biodiversitéBZH, nous nous sommes dit qu’il fallait que vous soyez au courant… et plus si affinités ?!
Dans votre spectacle musical joué en plein air « Des jardins et des Hommes » comme dans votre ouvrage, vous abordez l’écologie en faisant un bond dans le passé. Pourquoi avoir créé cette passerelle entre la grande Histoire et l’écologie. Est-ce une évidence pour vous ?
Ma réflexion a débuté d’un constat simple : l’absence du passé dans le discours écologique actuel dominant. Nous avons le nez collé à la vitre du présent, avec des messages plutôt anxiogènes. Mais comment imaginer le « monde d’après » en méconnaissant grandement le monde d’avant ? J’ai choisi de montrer que nombre de nos aïeules et aïeux avaient déjà une conscience forte de l’écologie. Ils et elles se sont mobilisé·es pour l’écologie, sans forcément y joindre une quelconque idéologie. Leurs sensibilités, leurs observations les ont rendues perméables à une compréhension éclairée de la nature. Ce sont des références non-idéologiques et non-normées. Elles sont très précieuses à la compréhension des débats actuels sur le climat. Elles vont parfois à rebours de l’écologie telle qu’elle est pensée aujourd’hui, sous un mode trop exclusivement clivant. Or l’écologie est au-dessus de l’idéologie : c’est la vie, tout court.
Concrètement, étudier l’histoire sous l’angle de l’écologie, qu’est-ce que cela nous apprend ?
Que la défense de la Nature existe depuis très longtemps. Elle n’est pas tombée du ciel avec le réchauffement climatique ! C’est un souverain romain, l’Empereur Hadrien au 2e siècle de notre ère, qui a créé la première « réserve naturelle. » Il a sanctuarisé un espace visant à protéger les cèdres du Liban pour éviter leur éradication. Au 15e siècle, Léonard de Vinci, fervent admirateur de la Nature, parlait déjà de la Terre comme d’un corps vivant. Au 17e, Jean de la Fontaine rendait hommage aux animaux à travers ses fables. Il s’oppose à Descartes, qui voyait les animaux comme des machines. Il critique aussi la politique de déforestation de Louis XIV ! La conscience de ce passé construit notre rapport au présent, car l’écologie est aussi un thème culturel.
Dans votre spectacle musical « Des Jardins et des Hommes », vous entrecoupez les morceaux de piano par la lecture de textes puissants consacrés à la Nature. Comment les avez-vous choisis ?
Les auteur·ice·s de ces textes sont de fervent·e·s défenseur·se·s de la Nature. Le texte de George Sand (1), qui défend la forêt de Fontainebleau, est en ce sens, fondateur. Écrit en 1872, il est publié sous la forme d’une tribune dans le journal Le Temps.
Dans ce texte en accès libre, Sand avance qu’il faut défendre la forêt non seulement pour sa beauté, mais aussi parce qu’elle est utile et nécessaire à la vie. Elle écrit le premier texte écologique en France, et signe les débuts de l’écoféminisme. Georges Sand prend alors la défense des Peintres de Barbizon, ces artistes qui s’étaient installés à l’orée de la forêt de Fontainebleau et militaient pour sa sauvegarde. C’était une ZAD avant l’heure ! J’ai choisi également de faire lire un texte de Camille Etienne, jeune militante dont la pensée est très suivie des mouvements écologistes actuels et qui s’est fait entendre du grand public lors du premier confinement, à travers une vidéo devenue virale, baptisée « Réveillons-nous ».
Extraits d’un spectacle de Patrick Scheyder (piano) et Michael Lonsdale (lecture) avec la participation des jardiniers de la Ville de La Rochelle, proposé dans le cadre des Journées européennes du Patrimoine en septembre 2016.
Votre spectacle musical a cheminé pour venir s’installer en terres bretonnes.
Quel rapport ?
Il y a quelques années, j’ai rencontré le paysagiste Gilles Clément qui m’a convaincu de parler de ma démarche artistique aux collectivités locales. Mon tout premier contact était le directeur du service Espaces Verts de la Ville de Rennes. Il m’a reçu très chaleureusement. J’ai pu jouer dans le parc des Gayeulles, en compagnie de jardinier·e·s de la ville. Aujourd’hui, j’entretiens un rapport assez fort à cette région car j’y mène de nombreux projets, autant artistiques que pédagogiques. J’ai une résidence d’écriture prévue en partenariat avec le festival de La Gacilly, ainsi qu’une représentation de « Des Jardins et des Hommes » prévue en août, avec Allain Bougrain-Dubourg. Je serai également présent à Océanopolis à Brest en novembre pour jouer un spectacle musical sur Léonard de Vinci et la Nature. D’autres projets pourraient ensuite voir le jour en 2022 avec le Conservatoire Botanique National de Brest ou encore avec le parc de Branféré dans le Morbihan. Ma démarche n’est pas seulement musicale, je souhaite réaliser des ateliers, rencontrer les publics, échanger sur l’écologie. Je suis d’ailleurs à l’écoute de tout acteur des réseaux de la biodiversité bretonne qui serait intéressé par ma démarche !
(1) Georges Sand (écouter le podcast « Le Monde en un jardin » tiré de la série de cinq épisodes « Georges Sand : vie singulière d’une auteure majuscule, France Culture, été 2017).
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« Pour une pensée écologique positive » aux éditions Belin, 19 euros, 224 pages
Extrait de la rencontre pour la sortie de son livre, à la librairie Ravy à Quimper, le 29 octobre 2020
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Vous pouvez également lui écrire : scheyder.mesetoiles@gmail.com
Et si on faisait connaissance avec la communauté des principaux acteurs de la biodiversité en Bretagne ? Ce tour d’horizon rassemble 7 familles totalisant 124 acteurs dont le cœur de l’activité est en lien direct avec la biodiversité.