[Vidéo] Trois mousquetaires pour le bocage breton

Publiée le 15 septembre 2021

#biodiversitéBZH, le portrait : Timothée Scherer, Jacques Baudry et David Rolland

Ce sont trois hommes particulièrement attachés à leurs paysages que nous sommes allés rencontrer au nord de la Bretagne. Depuis 2014, et dans le cadre du Projet de Territoire d’Eau du Bassin Versant de la Vallée du Léguer, les équipes de Lannion-Trégor Communauté, de l’INRAE Bretagne-Normandie et de la Fédération départementale des chasseurs des Côtes d’Armor travaillent sans relâche pour préserver la biodiversité du bocage breton. Pour comprendre comment Timothée Scherer, Jacques Baudry et David Rolland travaillent ensemble pour accompagner les exploitant·e·s agricoles dans la gestion durable des haies, rien de mieux qu’une rencontre en direct sur leur terrain d’action. Suivez-nous !

David Rolland (Fédération des chasseurs 22), Jacques Baudry (INRAE) et Timothée Scherer (Lannion Trégor Communauté) © In:Expeditions

Bonjour Timothée Scherer, Jacques Baudry et David Rolland. Nous sommes à Plouaret sur le territoire de Lannion-Trégor Communauté, pour parler d’un projet nommé « Bocages et Biodiversité ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Timothée Scherer, chargé de mission trame verte et bleue chez Lannion-Trégor Communauté : Oui, bienvenue à vous ! Alors, la trame verte et bleue est un outil technique qui allie préservation de la biodiversité et aménagement du territoire. Elle s’articule avec l’ensemble des politiques environnementales menées sur une région et elle a pour objectif de freiner l’érosion de nos espaces terrestres et aquatiques, souvent malmenés par les activités humaines. En tant que chargé de mission chez Lannion-Trégor Communauté, mon rôle est de conserver les habitats naturels et les espèces qui y vivent. Ici, nous devons prendre en compte les continuités écologiques identifiées dans le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) au niveau local. Pour cela, nous travaillons avec des urbanistes dans le cadre du Schéma de Cohérence Territoriale (ScoT) et du Plan Local d’Urbanisme Intercommunal et Habitat (PLUI-H), mais aussi avec Jacques, chercheur et écologue des paysages à l’INRAE en Bretagne-Normandie ou encore comme des acteurs de gestion des espèces comme David, chargé de mission habitat et biodiversité à la fédération des chasseurs des Côtes d’Armor dans le cadre du projet « Bocages et Biodiversité », cofinancé par la région Bretagne (Contrat Nature) et l’Union Européenne (FEDER).

Timothée Scherer, chargé de mission trame verte et bleue à Lannion-Trégor Communauté

La trame verte et bleue est donc en quelque sorte un réservoir de biodiversité… Mais cela ne nous dit toujours pas pourquoi vous avez décidé de nous donner rendez-vous devant cette haie. Qu’a-t-elle de particulier ?

Jacques Baudry, chercheur à l’INRAE Bretagne-Normandie : Justement, parce que c’est un corridor écologique ! Une haie, c’est un élément de paysage linéaire composé d’arbres et d’arbustes. Le réseau de haies constitue le bocage. Les haies ont plusieurs fonctionnalités écologiques différentes. Elles servent de refuge pour une quantité d’espèces animales, dont certaines sont utiles dans la protection des cultures. Par exemple, les haies abritent des prédateurs des pucerons qui attaquent les céréales. Les haies ont également un rôle de brise vent. Elles freinent également la circulation de l’eau dans les zones en pente et limitent ainsi l’érosion.

David Rolland, chargé de mission habitat et biodiversité de la Fédération départementale des chasseurs des Côtes-d’Armor : De plus en plus d’exploitant·e·s agricoles prennent conscience des services écosystémiques qui sont rendus par la haie. Les épisodes orageux peuvent être désastreux sans les haies qui limitent les écoulements de boue. Les épisodes de sécheresse sont également moins ravageurs dans les paysages les plus bocagers. Par ailleurs, les filières de valorisation du bois qui se développent créent une réalité économique motivante pour gérer durablement les haies.

📺 #BIODIVERSITÉBZH, LE PORTRAIT : TIMOTHÉE SCHERER, JACQUES BAUDRY & DAVID ROLLAND

Rendez-vous au coeur du Trégor au printemps dernier avec ces trois mousquetaires du bocage breton pour un test grandeur nature des outils conjointement développés par Lannion-Trégor Communauté, l’INRAE Bretagne-Normandie et la Fédération départementale des chasseurs des Côtes d’Armor.
Tournage réalisé dans le cadre d’une Breizh:Expedition proposée par In:Expeditions, plateforme de visio-expéditions au service de l’engagement.

Plutôt visionner le reportage sur notre chaîne

Quel est le rôle du projet que vous menez dans la conservation du bocage breton ?

Timothée Scherer : Lannion-Trégor Communauté s’intéresse de près au bocage et à la haie, car le Trégor est un endroit où le bocage est bien préservé. Nous avons la responsabilité de maintenir ce patrimoine présent, de la même manière qu’on défendrait un vieux bâtiment. Cela implique de mieux connaître et comprendre le bocage breton pour mieux le défendre. Alors que l’on s’intéressait à ce sujet, nous avons eu la chance de rencontrer Jacques, qui effectuait des recherches sur le bocage depuis de nombreuses années.

Jacques Baudry : Au sein de l’INRAE, nous étudions en continu les interactions entre le bocage et la biodiversité depuis 1993 dans dans la Zone Atelier Armorique (site d’étude de l’INRAE, du CNRS et de l’Université de Rennes 1) à Pleines-Fougères (35). Nous avions donc un stock de publications sur le sujet que nous avons pu mettre au service du projet ; cela a permis de développer des outils de diagnostic.

David Rolland : Aujourd’hui, l’érosion des bocages est une réalité en France. Les haies sont souvent en mauvais état écologique. Pour enrayer ce phénomène et améliorer l’état de conservation des bocages, nous avons voulu produire des outils appropriables et utilisables à plusieurs échelles, qui permettent de diagnostiquer les fonctionnalités écologiques des territoires. L’important pour nous est que chaque opérateur·ice puisse prendre en compte la conservation des haies et des paysages bocagers comme une exigence quotidienne.

David Rolland, chargé de mission habitat et biodiversité à la Fédération départementale des chasseurs des Côtes d’Armor

Nous avons la responsabilité de maintenir ce patrimoine présent, de la même manière qu’on défendrait un vieux bâtiment.
- Timothée Scherer, chargé de mission trame verte et bleue à Lannion Trégor Communauté -

Quels sont les outils que ce partenariat vous a permis de créer ?

David Rolland : Nous avons développé un plan de gestion durable des haies pour les exploitant·e·s agricoles. Le plan de gestion durable des bocages qui existait auparavant ne prenait pas en compte la préservation de la biodiversité en sus d’analyser les autres systèmes écosystémiques rendus comme la préservation de la ressource en eau ou la protection des sols et d’orienter les actions de gestion de la haie selon la situation : des actions de conservation si le paysage est fonctionnel, des actions de réhabilitation des habitats si tel n’est pas le cas.

Jacques Baudry : Nous avons également créé deux outils qui permettent de traduire l’écologie du paysage en termes cartographiques. Par exemple, le grain bocager représente le maillage des haies en teintes de couleur. Lorsque le grain est fin, il y a une forte interaction entre les haies, et un microclimat bocager. À l’inverse, lorsque le grain est élevé, l’espace non protégé par les haies est plus important. La carte d’écopaysages permet quant à elle de retranscrire les propriétés écologiques des différents paysages sur un territoire. Cela donne un cadre pour la réflexion sur les scénarios d’aménagement et les pratiques de gestion des haies.

Le grain bocager

Quelles sont les perspectives de votre projet ? Les outils que vous avez créés vont-ils être utilisés à plus grande échelle ?

Timothée Scherer : Ces outils cartographiques permettent de comprendre le contexte des différentes exploitations afin de connaître les enjeux des territoires et accompagner les agriculteur·ice·s au mieux. Nous les mettons à la disposition du plus grand nombre d’acteurs professionnels pour que l’objectif de protection du bocage soit rempli partout dans la région et au-delà. Nous tenons d’ailleurs à remercier nos partenaires, sans qui le projet n’aurait pas pu se réaliser à l’échelle bretonne : Guigamp-Paimpol Agglomération, Morlaix Communauté, le syndicat Goas Koll – Traou Long, Lamballe Terre & Mer, Loudéac Communauté Bretagne Centre, le syndicat mixte du bassin de L’Elorn, la fondation Yves Rocher, la Réserve naturelle régionale des « landes prairies et étangs de Plounérin » ,le syndicat mixte du grand bassin de l’Oust et le Conservatoire Botanique National de Brest qui nous ont épaulés dans l’acquisition de connaissances liées à la biodiversité des haies, ainsi que l’Afac-Agroforesteries.

Jacques Baudry : Les outils sont en train d’être disséminés sur tout le territoire ! Les cartes du grain bocager et des écopaysages seront très prochainement disponibles pour toute la Bretagne, et le plan de gestion durable a déjà été retenu par les Ministères de l’Agriculture et de la transition écologique pour accompagner la démarche du label haie.

Les outils sont en train d’être disséminés sur tout le territoire !
- Jacques Baudry, chercheur à l’INRAE Bretagne-Normandie et écologue du paysage -

Jacques Baudry, chercheur à l’INRAE Bretagne-Normandie et écologue du paysage

Pour toutes celles et ceux qui voudraient se mobiliser pour préserver et développer le bocage au sein de leurs territoires, quels seraient vos conseils ?

Timothée Scherer : Nous avons constitué différentes méthodologies disponibles sur demande, notamment une synthèse très pédagogique intitulée « Prendre en compte les enjeux de la biodiversité de la haie dans les actions de gestion du bocage de l’exploitation ». Vous pouvez aussi vous rapprocher directement de l’INRAE, la Fédération départementale des chasseurs des Côtes d’Armor, Lannion-Trégor Communauté ou de l’AFAC-Agroforesterie pour vous former aux outils que nous avons développés. Il y a aussi différents rendez-vous à venir comme les journées d’échanges « Haies bocagères : liens de biodiversité dans les territoires » organisées les 6 & 7 octobre prochains à Caen. Ces rendez-vous sont toujours de beaux lieux d’échanges.

[Fiche 💬 ] Connaissance de la biodiversité liée au complexe bocager et applications pratiques sur le bassin versant du Léguer
[Fiche 💬 ] Connaissance de la biodiversité liée au complexe bocager et applications pratiques sur le bassin versant du Léguer

Objectifs, description des actions, perspectives, bilan et enseignements, coût et moyens humains mobilisés autour de ce projet… toutes ces infos utiles sont rassemblées dans l’ouvrage Recueil méthodologique : projets territoriaux en faveur de la biodiversité, un outil transversal destiné aux territoires bretons pour intégrer la biodiversité dans toutes les politiques publiques.
Concret, réaliste et basé sur des exemples 100% bretons.

Télécharger la fiche
📺 La biodiversité sur le terrain📍 "bocage, filière bois-énergie et biodiversité"
📺 La biodiversité sur le terrain📍

Comprendre la richesse insoupçonnée du bocage et les opportunités qu’il ouvre pour nos territoires et leurs habitant·e·s, tel était l’enjeu d’une visite « La biodiversité sur le terrain » destinée à une vingtaine d’élu·e·s de collectivités et de fédérations professionnelles du secteur agricole et forestier. Direction la Vallée du Léguer (22)!
En partenariat avec Eau et Rivières de Bretagne.

Visionner le reportage